Jean Anouilh ANTIGONE L’arrestation d’Antigone Scène 2 Présentation de l’extrait : - personnages : Antigone, les gardes, Créon. - situation : Antigone est traînée sur scène par les gardes qui l'ont trouvée près du cadavre de son frère. Ils ne veulent pas croire qu'elle est la nièce du roi, et la traitent avec brutalité. Ils se réjouissent de cette capture et des récompenses et distinctions qu'elle leur vaudra. Antigone est entrée, poussée par les gardes. LE CHŒUR […] La petite Antigone est prise. La petite Antigone va pouvoir être elle-même pour la première fois. Le chœur disparaît, tandis que les gardes poussent Antigone en scène. LE GARDE Allez, allez, pas d’histoires ! Vous vous expliquerez devant le chef. Moi, je ne connais que la consigne. Ce que vous aviez à faire là, je ne veux pas le savoir. Tout le monde a des excuses, tout le monde a quelque chose à objecter. S’il fallait écouter les gens, s’il fallait essayer de comprendre, on serait propres. Allez, allez ! Tenez-la, vous autres, et pas d’histoires ! Moi, ce qu’elle a à dire, je ne veux pas le savoir ! ANTIGONE Dis-leur de me lâcher, avec leurs sales mains, ils me font mal. LE GARDE Leurs sales mains ? Vous pourriez être polie, Mademoiselle... Moi, je suis poli. ANTIGONE Dis-leur de me lâcher. Je suis la fille d’Œdipe, je suis Antigone. Je ne me sauverai pas. LE GARDE La fille d’Œdipe, oui ! Les putains qu’on ramasse à la garde de nuit, elles disent aussi de se méfier, qu’elles sont la bonne amie du préfet de police ! ANTIGONE Je veux bien mourir, mais pas qu’ils me touchent ! LE GARDE Et les cadavres, dis, et la terre, ça ne te fait pas peur à toucher ? Tu dis « leurs sales mains » ! Regarde un peu les tiennes. LE GARDE On te l’avait prise, ta pelle ? Il a fallu que tu refasses ça avec tes ongles, la deuxième fois ? Ah ! Cette audace. Je tourne le dos une seconde, je te demande une chique, et allez, le temps de me la caler dans la joue, le temps de dire merci, elle était là, à gratter comme une petite hyène. Et en plein jour ! Et c’est qu’elle se débattait, cette garce, quand j’ai voulu la prendre ! C’est qu’elle voulait me sauter aux yeux ! Elle criait qu’il fallait qu’elle finisse... C’est une folle, oui ! […] ANTIGONE demande d’une petite voix. Je voudrais m’asseoir un peu, s’il vous plaît. Le garde, après un temps de réflexion. LE GARDE C’est bon, qu’elle s’asseye. Mais ne la lâchez pas, vous autres. Créon entre. LE GARDE Garde à vous ! CRÉON s’est arrêté, surpris. Lâchez cette jeune fille.