BATAILLES Pièce de : Roland Topor et Jean-Michel Ribes Saynète : Bataille au sommet Robert Je suis mort ? Moi ? Michel Mort. Clamsé. Rétamé. Robert Vous êtes fou ? Michel Up to you, baby. Robert Je déteste ce genre de blague de mauvais goût. Michel Oui non mais ce n'est jamais agréable. Vous auriez préféré que je vous le cache ? Robert Oui. Michel Oui seulement moi je fais partie de ceux qui pensent qu'il vaut mieux le dire. Qu'est-ce que... qu'est-ce que... vous faites ? Robert J'essaie de me lever. Michel Pour voir si vous êtes vraiment mort ? Robert Oui. Le champagne ! Vous avez drogué le champagne... je savais bien qu'il ne fallait pas que j'en boive. Il y avait du poison dedans ! Michel Il y a plus de poison dans la moindre escalope de veau ! Ça c'est de l'excellent champagne, bien sain, avec des bulles parfaitement honnêtes. Robert De quoi suis-je mort ? Michel Arrêt du cœur. On meurt toujours d'un arrêt du cœur. Quelque chose pète quelque part et, aussitôt, le cœur fait grève. Robert C'est vrai, je ne le sens plus, il ne bat plus. Depuis combien de temps ? Michel Oh ça doit être tout récent. Oh oui... vous ne sentez pas encore, oui. Probablement en même temps que votre dernier sherpa. Robert Qui êtes-vous ? Michel Michel, je m'appelle Michel. Robert Et vous connaissez mon nom bien sûr, ainsi que mon curriculum... Michel Oh, non, je ne sais rien. Robert Je m'appelle Robert. Michel Enchanté, Robert. Robert Vous êtes un ange de la mort ? Ou quelqu'un dans ce goût-là ? Vous avez un pouvoir quelconque ? Alors je vous en supplie : portez mon cadavre au sommet du Paterhorn ! Pour me faire plaisir ! Michel Mais vous savez, moi non plus j'aurais pas été sur la photo, hein ! Robert Vous voulez dire que... Vous êtes mort vous aussi ? Comme moi ? Michel Ben on fait partie de la même cordée, enfin, pour le moment. Robert Je ne comprends pas... On est obligé de rester ensemble, c'est ça ? Michel Ben à deux c'est toujours plus facile, mais enfin ce n'est pas une obligation. Robert Comment se fait-il que vous puissiez marcher, vous ? Michel Mais moi je m'économise, je m'économise. Je ne suis pas allé au bout de mes forces comme vous. Cigarette ? Robert C'est quand même con de mourir si près du but ! Michel As they use to say in New York. Robert Je ne comprends pas. Michel Non mais c'est normal, c'est le manque d'oxygène. Robert On dirait que ça ne vous fait ni chaud ni froid d'être passé de l'autre côté... J'admire votre calme... Michel Une autre ? For the road ? Si on veut encore nous servir... Robert Vous croyez que c'est prudent ? Michel Ah ben là il n'y a plus rien à craindre. Robert Plus rien à craindre... Moi j'ai encore la trouille.